Commentaire du pacte Briand-Kellog

Le pacte Briand-Kellog est un document officiel signé entre des États formant la communauté internationale. En termes plus simples, il s’agit d’un traité signé entre ces derniers visant à produire un effet. Il a été signé le 27 août 1927 à Paris par soixante pays sous la couverture de la Société des Nations (SDN) et à l’initiative d’Aristide Briand, Ministre français des affaires étrangères, et Frank Billings Kellogg, Secrétaire d’État américain aux affaires étrangères.
En effet, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, la plupart des pays voulaient fonder de grands espoirs sur une paix durable car s’agissait-il d’un contexte politique difficile. Ainsi, nous savons déjà que le dernier des quatorze points prononcés par le président Wilson avait annoncé la création de la SDN : « une association générale des nations doit être constituée sous des alliances spécifiques ayant pour objet des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits comme aux grands États. » et cette institution supranationale allait favoriser la signature du Pacte Briand-Kellogg par lequel les pays signataires déclarent solennellement renoncer à la guerre comme instrument de politique nationale et régler leurs différends par des moyens pacifiques de manière à privilégier la diplomatie par rapport à la guerre.
Ces engagements pris par ces 60 États dans le cadre de ce document officiel ont-ils été respectés ? Si ce n’est pas le cas, qu’est ce qui a constitué un blocage au respect de ce pacte ? Que peut-on déduire au regard du mobile du pacte Briand-Kellogg et face à l’attitude des États parties face à l’enjeu du moment ?
Nous ferons le point autour de cette grille de lecture pour essayer de comprendre cet état de fait tout en faisant asseoir notre travail sur l’esprit du texte en question avec ses trois articles les uns plus importants que les autres autour desquels l’avenir du monde se tournait et que la suite des évènements allait en témoigner.
Ce document historique, entre autres, traduisait la volonté des États de faire de la guerre un acte hors la loi. Autrement dit, ils voulaient faire de ce dernier un élément conte lequel que tous doivent faire fi dans le cadre de règlement de leurs différends. En effet, si on se rappelle des tâches indélébiles laissées par la première guerre mondiale, les États étaient pour autant déterminés à éviter tout spectre d’une seconde guerre mondiale.
De ce fait, il faut renoncer à la guerre comme instrument de politique nationale comme s’est inscrit dans l’article 1er du pacte qui stipule : « les Hautes Parties contractantes déclarent solennellement au nom de leurs peuples respectifs qu’elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles. ». Ainsi, ils nous disent que la diplomatie doit prévaloir sur la guerre et cette initiative a été accueillie favorablement à la majorité des États comme nous le dit Annie ZWANG dans son ouvrage paru en 2000 aux éditions ellipses.
Et cet aspect de favoriser la diplomatie est relaté par l’article II du traité : « les Hautes Parties contractantes reconnaissent que le règlement de tous les différends ou conflits, de quelque nature ou de quelque origine qu’ils puissent être, qui pourront surgir entre elles, ne devra jamais être recherché que par des moyens pacifiques ». Dans ce même cadre d’idées on constate que les États comme à Versailles se lancent dans une logique de pacification du monde par le droit. Une pacification par le droit mais qui se base sur la bonne volonté des contractants, sur leurs désirs de respecter ceux qu’ils avaient signé alors qu’ils oublient que sommes-nous dans une logique de puissance confirmée (États-Unis, Grande Bretagne …) ou de recherche de puissance ( Allemagne, URSS, Japon…) pouvant fragiliser cette paix.
Pour comprendre cet aspect de la question, essayons de voir la position des principaux acteurs dans le cadre du pacte Briand-Kellogg.

Avec les États-Unis, nouvelle puissance économique mondiale et politique mondiale, malgré ils pratiquent l’« isolationnisme », l’on constate que c’est un non-sens car ils étaient les principaux instigateurs de ce traité jouant sur la « bonne volonté » des États. D’ailleurs c’est bien leur secrétaire d’État aux affaires étrangères qui a élaboré le texte comme on l’a signalé tantôt et que Zwang nous a fait remarquer. Ils étaient contre l’idée à toute force d’intervention au cas où un État signataire ne respecterait pas son engagement. Pourquoi ? L’opinion publique américaine le voyait comme un acte portant atteinte à la « souveraineté » d’un État ; En ce sens, l’opinion publique pousse à la limitation des budgets militaires.
Avec la France, nous savons que c’était sous la proposition du ministre français des Affaires étrangères d’alors, Aristide Briand, que le pacte allait apparaître car la question du remboursement des dettes de guerre pesait sur les relations franco-américaines. Et ce pacte allait être ouvert à tous ceux qui voulaient y adhérer.
Comme ça se lisait dans le traité, pratiquement tous les États du monde avaient pris ces engagements même l’URSS, l’Allemagne et le Japon, un des principaux ennemis des alliés au niveau de l’Extrême-Orient.
Quant au mobile du pacte, l’on doit se référer directement à la première guerre mondiale. En d’autres termes, le pacte Briand-Kellogg est la résultante de ce qu’on a eu il y a dix ans avant sa signature. En effet, le spectre de tout nouveau conflit à l’échelle mondiale faisait peur aux esprits car nous savons que les dégâts (matériels ou humains) que le premier a causés et a même provoqué l’éclatement de puissances impériales (comme l’empire Ottoman, l’empire Austro-hongrois, etc.). Nous avons une Grande-Bretagne affaiblie et qui voit sa puissance s’effriter au profit des Etats-Unis, une Allemagne placée sous protectorat, tout ceci bouleversait l’ordre international de l’époque.
A côté de ces préjudices causés par la guerre, il y a un qui est d’ordre moral qui allait justifier la thèse défendue par Hobbes dans son Léviathan : « l’homme est un loup pour l’homme » réduisant ainsi l’homme à l’état de nature et non à l’état civilisé. L’homme fait honte à l’humanité ne pouvant pas s’entendre sur des questions qu’ils peuvent eux-mêmes résoudre par le verbe.
Pour qu’ils ne soient pas mal jugés par l’histoire, ils ont institué un pacte sur la base d’un engagement moral ce qui irait dans un sens rousseauiste par un contrat entre ces Etats. Néanmoins, il n’y en a pas eu de gendarmes encore moins un Etat central pouvant veiller au strict respect du contrat par les parties signataires. Ce qui nous montre l’idéalisme du pacte en question et qui nous montre son mobile.

Somme toute, quand on regarde le déroulement de l’histoire, l’on remarque que le pacte ne voulait rien dire pour la simple et bonne raison que la question des intérêts en matière des Relations internationales représente un problème majeur. En effet, ce problème combiné à celui du nationalisme a constitué une faiblesse pour le pacte et même pour Versailles. D’ailleurs, il n’y a pas eu un gendarme pouvant assurer sa sauvegarde. Le seul qui pouvait jouer ce rôle, les Etats-Unis, se maintenait dans un isolationnisme à n’en plus finir, d’ailleurs on l’a vu avec son opinion publique. Si l’on s’appuie sur la théorie des biens publics et de l’action collective avancée par Paul A. Samuelson et Mancur Olsen, l’armée ne pourra jamais être sortie sous la couverture d’un État. Autrement dit, elle est indivisible à un État car tous ont des velléités de puissance qui va forcément provoquer des frictions entre les États et pour se faire respecter l’État en question doit montrer ses muscles.
Ainsi, les promesses ne sont pas respectées par les États, les camps commencent à se former par des alliances qui se multiplient, Hitler accède au pouvoir et dénonce le Traité de Versailles et en 1934, il quitte la SDN et décide de réarmer le pays et de rétablir le service militaire obligatoire, Mussolini s’empare de l’Éthiopie en 1936 ; en 1938, le Japon appuyé sur la Mandchourie se lance à l’assaut de la Chine sans oublier l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en 1939 qui allait basculer l’humanité dans un second conflit mondial. Donc qui traduit l’échec du pacte Briand-Kellogg et par extension celui de Versailles.
De retour à l’État de nature selon Hobbes et retour à un contrat en 1945 avec l’ONU ; aujourd’hui, semble-t-il que ces deux époques ne sont pas si différentes.

Bibliographie

AGNIEL Guy, Droit des Relations Internationales, Paris, Hachette, 1997.
DOCTEUR Carltz, Quelques Grandes étapes dans l’Évolution de l’Humanité, Port-au-Prince, Éditions Camilo, août 2009.
GONZALEZ Gérard, Droit international public, Paris, Ellipses, 2004.
GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 15eme édition.
TSHIYEMBE Mwayila, La Politique Étrangère Des Grandes Puissances, Paris, l’Harmattan, 2010.
ZWANG Annie, Les Etats-Unis et le monde: rapports de puissance (1898-1998), Paris, Ellipses, 2000.

Articles lus
CABANES Bruno, Le Vrai Échec du traité de Versailles, l’Histoire, #343, juin 2009, ISSN 01822411.
Le Pacte Briand Kellogg-France in the United States/ Embassy of France in Washington, D.C. -http://fr.ambafrance-us.org/spip.php?article 1802.
L’évolution des conditions juridiques de la guerre économique.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1939_num _4 _5 _5646.

Ces articles ont été lus le 01/08/15, 15h55.