L’après COVID-19 : À quoi faudrait-il s’attendre sur l’échiquier international ?

En général, quand il y a une crise qui menace la stabilité internationale, les États mettent les bouchées doubles pour parvenir à y trouver une porte de sortie. Du côté des chercheurs, nombreux sont ceux qui interviennent pour tenter de mesurer son ampleur à l’aune des connaissances acquises dans leur domaine respectif et faire des projections sur ce qu’elle pourrait modifier dans l’ordre international. De ce fait, le présent papier vise à expliquer différents éléments qui caractérisent l’ordre actuel et présenter des impacts que pourrait avoir le COVID-19 sur les relations interétatiques. 

L’ordre international actuel

Rappelons que l’ordre international actuel est le résultat de la fin de la guerre froide qui avait opposé le bloc de l’Est ayant à sa tête l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) face au bloc de l’Ouest ayant à sa tête les États-Unis d’Amérique. Avec la victoire du bloc de l’Ouest, certains pensaient que le monde allait devenir unipolaire dans la mesure où ce bloc allait édicter les règles du jeu. Néanmoins, d’autres étaient plus prudents en ce sens qu’ils ont prévu que l’Occident allait faire face à d’autres blocs, d’où le titre « Le choc des civilisations » du professeur Samuel Huntington.

Il est clair qu’avec le 11 septembre 2001, des questions comme le terrorisme, des conflits sur une partie du contiennent asiatique, l’immigration clandestine entre autres sont devenues très préoccupantes sur la scène internationale vu la menace qu’elles représentent.  

Dans la foulée, de grands enjeux se cachent derrière toutes ces difficultés qui, si elles ne sont pas résolues, auront des impacts sur les relations internationales comme le laisse entendre le repositionnement stratégique des acteurs étatiques sur la scène géopolitique.

Les États-Unis d’Amérique, avec son président Donald Trump dont sa politique est teintée d’isolationnisme, ne veulent pas s’engager sur des fronts « non prioritaires », mais se sont engagés dans une guerre commerciale avec la République Populaire de Chine en dénonçant divers accords commerciaux signés par les administrations précédentes et faisant savoir que Pékin profitait d’eux. Toutefois, il convient de noter que les deux Etats avaient fini par trouver un accord qui semble mettre fin à cette bataille commerciale.

Pendant ce temps-là, l’Europe notamment avec son organisation l’Union Européenne se bat pour donner l’image d’un bloc uni et plus fort suite à la sortie du Royaume-Uni de l’UE (BREXIT). Un Royaume-Uni qui décide de faire cavalier seul. 

Alors que les États-Unis avec Donald Trump veulent retourner à l’isolationnisme et vu que la nature a horreur du vide, d’autres États comme la Russie, la Chine continentale étendent leurs tentacules dans différents endroits du monde et se positionnent sur l’échiquier international.

La Russie, avec l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, est présente pratiquement dans différents espaces de rivalités du monde pour se faire soit des alliés (comme la Turquie sur la question du gaz) ou pour être un des acteurs incontournables à la résolution de telle ou telle crise (par exemple la crise syrienne, la crise vénézuélienne). D’ailleurs, considérant cette quasi omniprésence de Russe et vu qu’elle a été la principale vaincue de la guerre froide poussent plus d’un à déduire que « Vladimir Poutine est en train de redonner à la Russie sa gloire d’antan. » 

Le réveil de la Chine

Nombreux sont stupéfaits du grand réveil de l’ « Empire du milieu » considéré comme « l’usine du monde ». En effet, avec une manière douce (soft power) qui caractérise sa politique étrangère dans des endroits où elle n’était pas présente, la République Populaire de Chine a d’abord initié une politique visant à isoler la République de Chine (Taiwan) qu’elle considère comme une province rebelle et cet isolement est allé des institutions internationales aux relations bilatérales. Pour preuve, seulement 16 des 193 États membres des Nations-unies reconnaissent le Taiwan comme État. La principale raison est qu’un État ne peut pas avoir de relations diplomatiques à la fois avec ces deux Etats et puisque la Chine continentale fait des offres très alléchantes, l’intéressé lâche le Taiwan. 

Par ailleurs, le développement de la Chine dans divers domaines comme les télécommunications marque l’avancée spectaculaire du pays. Le 7 avril 2020, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a indiqué que la Chine est devenue en 2019 le principal déposant de demandes internationales de brevets avec un nombre de demandes relevées à 58990 contre 57840 pour les Américains. Le géant chinois des télécommunications Huawei a été le principal déposant avec 4441 demandes publiées.

Il est utile de souligner que ce réveil de la Chine a été théorisé par le politologue français Alain Peyrefitte à travers deux ouvrages : « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » et « la Chine s’est éveillée » publiés respectivement en 1973 et 1997. Si ces deux travaux ont annoncé de manière prémonitoire le réveil de la Chine et son influence sur le monde, il n’en demeure pas moins de dire que le monde est en train de constater son influence grandissante. Dans ce contexte, surgit la crise du COVID-19.

L’arrivée du COVID-19

Le nouveau coronavirus qui porte officiellement le nom de 2019-nCoV ou COVID-19 est apparu pour la première fois en décembre 2019 dans le marché de Wuhan en Chine. Il s’apparente au virus de Sras qui avait déjà causé des centaines de morts en 2002. Le 2019-nCov infecte les cellules de leur hôte afin d’utiliser leur machinerie pour se répliquer lorsqu’il possède la capacité de se fixer. Le virus présente plusieurs symptômes comme des problèmes respiratoires et digestifs, une forte fièvre, des douleurs d’estomac, des toux sans arrêt et des tachycardies.

En janvier 2020, elle a été déclarée pandémie mondiale par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui craint les impacts négatifs que pourrait avoir l’apparition du virus dans des pays n’ayant pas un système sanitaire capable d’y faire face.

Notons que, à ce jour (12 avril 2020), la pandémie COVID-19 frappe de plein fouet des pays comme l’Italie (plus de 19 000 morts), l’Espagne (plus de 16 mille décès), les États-Unis d’Amérique (plus de 20 000 morts), et continue de se propager dans d’autres pays.

Il est à souligner qu’en début avril, Wuhan, la ville chinoise où ont été identifiés les premiers cas d’infection, a été rouvert aux activités, soit après deux mois de fermeture. La propagation du virus n’est pas sans incidence sur le fonctionnement des États.

Conséquences  

Le COVID-19 présente des conséquences immédiates sur le fonctionnement des États. En effet, par des lois d’état d’urgence, la plupart des États ont imposé le confinement total ou partiel à leurs populations tout en prenant des mesures d’accompagnement pour soutenir l’économie et venir en aide aux plus démunis, ce qui  témoigne un recours à l’Etat-providence. Ils ont fermé également les endroits pouvant réunir plus de 10 personnes comme les écoles, les universités, les églises et autres. Déjà, une restriction des libertés publiques en ce temps de crise. Une nouvelle réalité à laquelle les populations sont appelées à s’adapter.

Au plan international, le COVID-19 pousse les États à fermer leurs frontières. La pandémie frappe déjà la libre circulation des personnes, des biens sans oublier des marchés boursiers du monde. Des éléments fondamentaux de la mondialisation, pilier important de l’ordre international actuel et de l’économie néo-libérale.

À quoi faudrait-il s’attendre sur l’échiquier international ?

Par ailleurs, des conséquences futures du COVID-19 semblent sur le point de se dessiner. C’est l’une des rares crises importantes où nous ne voyons pas les États-Unis d’Amérique prendre le leadership en proposant des solutions. Avec des chiffres record (contaminations et décès), ils ont même fait appel à des professionnels de santé étrangers se spécialisant dans les maladies infectieuses pour renforcer son personnel de santé débordé. Une crise qui pousse à se demander : ne constatons-nous pas un effritement de la puissance ?  

En effet, en politique, la perception compte beaucoup. Considérant l’apparente dextérité dont la Chine fait montre dans la gestion de la crise au niveau interne en disant avoir contenu le virus et, au niveau externe, en envoyant ses supports à des pays touchés fortement comme l’Italie tout en gardant son rôle de marché d’approvisionnement des pays voulant se procurer de matériels pour soigner leurs malades, il est clair que la Chine va peser lourd dans la balance et confirmer que le monde est plutôt multipolaire en montrant qu’il est un acteur avec qui il faut compter. À ce stade, il est utile de se questionner : la Chine est-elle suffisamment prête à assumer le leadership mondial ?

À l’échelle multilatérale, le Secrétaire Général de l’ONU, António Guterres, a lancé un appel pour aider principalement les pays ayant un système sanitaire précaire à faire face à la pandémie. Notons qu’à l’issue d’un sommet extraordinaire virtuel convoqué par l’Arabie Saoudite, le G20 s’est engagé fin mars 2020 à débloquer plus de 5000 milliards de dollars pour stimuler l’économie mondiale tout en promettant de soutenir l’OMS dans son travail de coordination de la lutte internationale contre la pandémie.

Somme toute, bien que nul ne soit encore en mesure de dire combien de temps durera la pandémie, il convient de signaler qu’au lendemain de la crise COVID-19, les positions ultranationalistes risquent de se renforcer et remonter sur la scène politique en s’appuyant sur la façon dont le virus se propage résultant de l’ouverture des frontières. Ce qui risque, au pire des cas, de sonner le glas de l’ordre actuel caractérisé par la mondialisation et ses corollaires et redéfinir ainsi les relations interétatiques. Le COVID-19 vient s‘ajouter à la liste de difficultés auxquelles était déjà confronté l’ordre actuel. La résolution de cette crise ne pourra pas se faire de manière unilatérale. Toutefois, un leadership s’avère nécessaire ne serait-ce pour assurer le rôle de « gardien du monde » quand nous considérons l’isolationnisme américain. 

Jean Jocelyn PETIT